Le 1^er mars 1940, Adréus Bonnier acquiert des frères Guertin, manufacturiers d’habits de travail et de chaussures, le site comprenant la vieille maison de pierre, le terrain ainsi que tous les bâtiments qui se trouvent sur le lot du 610, chemin des Patriotes à Saint-Denis-sur-Richelieu. S’il récupère certainement quelques-uns des bâtiments en place, c’est en vue de les annexer à la nouvelle meunerie qu’il projette de construire. La vieille maison de pierre, actuellement appelée la maison Jean-Baptiste-Mâsse, est sauvegardée et servira d’entrepôt.

L’année suivante, il loue une partie du bâtiment au Syndicat Coopératif Agricole de Saint-Denis, nouvellement créé. Quatre ans plus tard, le Syndicat se porte acquéreur de l’ensemble et s’empresse de moderniser la meunerie. L’ajout d’une moulange Oméga à moteur diésel, l’électrification et la motorisation des mouvements permettent à l’entreprise de desservir efficacement la clientèle de la région. En juillet 1972, afin de s’adapter aux changements qui transforment le monde agricole, le Syndicat acquiert une moulange mobile et un camion permettant ainsi d’offrir le service de mouture du grain à domicile.

Pendant un certain temps, la meunerie offre également un service de « mirage d’œufs », situé au sous-sol, et met à la disponibilité de sa clientèle un petit magasin de produits agricoles ainsi qu’une pompe à essence située à l’extérieur sur la rue Saint-Thomas. En 1977, la meunerie est classée monument historique. Elle cessera ses activités meunières.

Depuis, elle est passée, littéralement, de l’agriculture à la culture! Acquise par le Ministère des Affaires Culturelles (Québec) le 24 octobre 1980, le bâtiment a conservé la majorité de ses éléments industriels. Désormais, la meunerie loge les bureaux de la Maison nationale des Patriotes et des salles polyvalentes qui lui permettent dorénavant de maîtriser de nouvelles disciplines : elle accueille des activités historiques et culturelles, des expositions d’artistes, des spectacles et des événements mondains.

Même si la Meunerie Adréus-Bonnier n’en est pas une, son aspect extérieur démontre toutes les caractéristiques, ou presque, des granges-étables du milieu du 20e siècle. Avec quelques détails en plus!

La meunerie possède quatre lucarnes dites « rampantes » qui font écho à l’architecture particulière de la toiture, à deux brisis, ainsi qu’une tourelle. Excellent point d’observation, cette dernière sert toutefois à loger la trémie et l’élévateur à godets principal. Au niveau du sol, 4 grandes portes double, dont 3 donnant sur l’appentis le long du mur nord, permettaient de charger et de décharger les camions en passant directement de la salle principale à la remorque.

Une fois à l’intérieur, au rez-de-chaussée, l’immensité des lieux surprend. Toutefois, ce qui étonne plus encore se trouve dans le détail des structures. On observe, en effet, une rupture dans les techniques de fabrication des planchers et des poutres. Dans la première moitié du 20e siècle, l’industrialisation est bien installée, même en région. Les poutres et madriers en bois sont sciés dans des moulins mécanisés et livrés en lot. Il n’est déjà plus question de préparer sur place le matériel nécessaire à une construction! On assiste à la standardisation des matériaux qui permet d’importantes économies de temps. Cette uniformisation laisse des traces perceptibles, telles que des marques en forme de courbes régulières laissées par la scie, que l’on remarque sur plusieurs poutres de la meunerie.

Antérieurement à cette standardisation, les matériaux étaient préparés sur place, près du lieu de construction, au fur et à mesure que les besoins le nécessitaient. L’utilisation d’outils plus rudimentaires (hache, égoïne, rabot) laisse des traces beaucoup moins régulières. Les planches de bois sont sciées une à une à l’égoïne et les troncs d’arbre sont équarris à la hache. Généralement, ce type de construction laisse sous-entendre une ancienneté dans la construction. Il apparait donc que d’anciennes structures datant d’avant 1940 ont été réutilisées et incorporées à la meunerie actuelle, tel qu’affirmé dans les archives. La disparité entre les planchers du rez-de-chaussée vient renforcer l’idée qu’en plus des anciennes structures recyclées ici, des bâtiments préexistants, en tout ou en partie, telle que l’ancienne grange-étable de la maison Jean-Baptiste-Mâsse visible sur des photographies datant de la première moitié du 20^ème siècle, ont dû certainement être annexés à la nouvelle construction.

Comme vous pouvez le constater, la meunerie Adréus-Bonnier a un niveau d’authenticité très élevé. À quelques détails près seulement, elle est exactement telle qu’elle a été laissée à la fin de ses activités en 1978. Avec quelques ajustements techniques, elle pourrait presque moudre le grain à nouveau !

Nous pouvons noter dans la chaîne opératoire de la mouture du grain de la meunerie, deux moments distincts qui regroupent les actions liées à la préparation du grain et les activités qui concernent la mouture.

LA PRÉPARATION DU GRAIN
À l’arrivée des camions chargés de grains, les portes à double battants s’ouvrent sur l’entrepôt (la pièce centrale et principale de la meunerie) facilitant le déchargement des sacs ou des grains en vrac. Puis, le meunier ou un employé procède aux ajustements préalables en se rendant au sommet de la tourelle afin d’ouvrir la vanne de la trémie qui dirigera le grain vers le bon carré.

Enfin, le travail peut commencer. Dans l’entrepôt, on décharge les grains dans la trémie de l’élévateur à godets principal qui les mène au sommet de la tourelle. Une fois au sommet, le grain s’écoule par la vanne ouverte puis glisse dans une goulotte jusqu’au carré à grains où il est stocké.

LA MOUTURE DU GRAIN
Lorsque le temps est venu de moudre le grain, dans l’entrepôt, on ouvre le clapet qui correspond au carré à grains qui contient la céréale nécessaire (blé, orge, maïs, avoine). Le grain s’écoule dans une benne puis est conduit dans la salle de moulange. Une trappe au plancher (encore présente aujourd’hui) permet de verser le grain dans la trémie du nettoyeur qui le débarrasse des inclusions (débris, pierres). Du nettoyeur, il passe directement à la moulange, également située au sous-sol, pour y être broyé en farine. Remontée par le tuyau de l’élévateur à soufflerie, la farine est enfin prête à être ensachée.

GLOSSAIRE

Trémie
Grand entonnoir en bois. La trémie des carrés à grains facilite le vidage complet de ces réservoirs. La trémie de la moulange reçoit le grain à moudre et l’introduit dans la machine. Ces deux dernières trémies sont en forme de pyramide renversée. La trémie de la tourelle, quant à elle, possède deux versants.

Élévateur à godets
Système de récipients qui permet de monter une charge jusqu’à un étage supérieur, dans ce cas-ci des céréales qui seront déversées dans les carrés à grains.

Élévateur à soufflerie
À la sortie de la moulange, dispositif qui souffle la moulée dans un tuyau pour la remonter à l’étage au-dessus.

Goulotte
Conduit en bois constitué de quatre planches. La goulotte est soit très inclinée, soit verticale. Dans la meunerie, certaines goulottes étaient constituées de tuyaux de tôle semblables à des tuyaux de poêle.

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Détail de l'élévateur à godets

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Vue en contre plongée des goulottes de la tourelle

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Grande poulie du démultiplicateur de vitesse situé dans la tourelle permettant de transmettre la vitesse à la poulie de l’élévateur à godets

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Moulange Oméga dans la salle des mélangeurs à moulée